Je ne suis pas paranoïaque. La crise économique ne me fait pas peur. La corruption du secteur de la construction ne me fait pas peur. Je n'ai pas peur des femmes, des étrangers, des homosexuels... J'ai peur du pont Champlain.
La Presse a résumé aujourd'hui un rapport du McMaster Institute sur les conséquences économiques d'une fermeture partielle ou totale du pont Champlain à long terme. Ce n'est pas un beau portrait. Montréal perdrait 740 millions de dollars d’activité économique et on ne sait pas combien de sièges sociaux au profit de
l'Ontario et de l’Ouest du pays.
Depuis que la ville a remboursé la dette olympique (2006), tout semble aller mieux. Nous recommençons à construire, nous parlons de projets de transport en commun. Après trente ans de déclin, Montréal se renouvelle tranquillement. Il fallait que nos erreurs du passé reviennent encore nous emboîter le pas.
Si nous ne remplaçons pas ce pont avant d’être obligés de le fermer, nous allons replonger plus profondément que jamais dans le déclin. Le monde des affaires et de l’industrie va carrément réévaluer la situation de Montréal dans l’économie nord-américaine. Pensons au genre de déclin qu’a vu les provinces maritimes pendant la période postguerre. Une ville comme Halifax s’est vu perdre son statut de centre d’innovation financière et industrielle pour devenir un simple centre de distribution régionale. C’était un passage obligatoire, et il faut dire qu’il peut y avoir des avantages. Une ville d’importance secondaire est exclue de la concurrence internationale et peut se concentrer sur des enjeux régionaux. Mais le Québec a besoin d’une métropole plus dynamique. Déjà isolée au niveau géographique et en décroissance démographique, la seule région majoritairement francophone de l’Amérique doit offrir au monde une métropole innovante et concurrentielle si elle veut se faire entendre.
Il ne faut pas croire que le gouvernement fédéral actuel va agir dans ce dossier. Stephen Harper est à la tête d’une majorité dont il doit que 5 sièges au Québec. La province n’aura donc aucune voix à Ottawa pour 4 ans. 4 ans c’est trop long pour le pont Champlain. Dans 4 ans l’état déjà critique du pont le sera encore plus. Si le gouvernement Harper ne répond pas à la demande de la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain d’amorcer dans le plus court délai possible la construction d’un nouveau pont, je crois que le gouvernement du Québec sera obligé de prendre la relève. Qu’on installe des péages sur toutes les autoroutes de l’ouest du Québec pour le financer, car ce n’est pas que les Montréalais, mais toute la province qui a besoin de ce lien avec le reste du continent. Qu’on construise immédiatement un lien de type SLR sur l’estacade du pont actuelle avec service toutes les 5 minutes à l’heure de pointe. Qu’on investisse dans d’autres solutions de transport en commun, et surtout qu’on donne des incentives aux entreprises de la Rive-Sud de s’installer sur l’ile pour freiner l’étalement vers le sud jusqu’à ce qu’un nouveau pont, permanent, sécuritaire, parmi les plus performants et modernes en Amérique soit construit.
Le pont Champlain me rend paranoïaque.